Une année d’élection donne lieu à l’impression de plusieurs centaines de millions de prospectus. 48,7 millions d’électeurs étaient en effet inscrits. Chacun étant supposé recevoir les « professions de foi » des 12 candidats au premier tour, la distribution a donc représenté plus de 580 millions d’exemplaires. Auxquels s’ajoutent encore des dizaines de millions de tracts. Un mode de communication toujours aujourd’hui privilégié par les équipes de campagne.
La nouvelle, tombée le 13 avril, à moins de deux semaines du second tour de l’élection présidentielle, a fait trembler les membres de l’équipe de campagne de la candidate du Rassemblement national. La Commission de contrôle de la campagne électorale présidentielle (CNCCEP) venait de déclarer qu’elle pourrait invalider la profession de foi de Marine Le Pen, suite à l’utilisation dans son texte de chiffres sur la sécurité et l’immigration s’appuyant sur des sources impossibles à retrouver (en l’occurrence le ministère de l’Intérieur). Finalement, la CNCCEP a émis de simples réserves et a tenu compte du fait qu’il était « matériellement impossible de le réimprimer », d’autant plus dans une telle période de pénurie de papier…
Une décision de la CNCCEP n’aurait pas été sans conséquence, car, contrairement à certaines idées reçues, les professions de foi sont loin de finir directement à la poubelle. Les électeurs apprécient ce mode d’information sur les programmes des candidats. Selon un sondage réalisé par l’institut CSA réalisé lors des dernières élections municipales, 90 % des Français les consultent et 47% affirment les lire attentivement. 62% estimaient alors que ces documents leur sont utiles pour faire leur choix.
« Dans un contexte de hausse très prononcée de la défiance à l’égard des politiques, à l’ère aussi du numérique, on entend depuis des années que la profession de foi ne sert à rien, que c’est du gaspillage d’argent public et de papier, » commentait dans le Parisien le politologue Christophe Piar, chargé d’études chez CSA et enseignant à Sciences-po Paris.
Selon Cédric O, secrétaire d’État au numérique, interrogé récemment sur Public Sénat, 14 millions de Français souffriraient en effet d’« illectronisme ». Soit un quart de la population qui aurait ainsi des difficultés pour se servir d’un ordinateur ou d’une tablette, et donc pour naviguer sur internet. D’où des problèmes pour réaliser un certain nombre de démarches administratives comme une simple déclaration d’impôts.
Un avis partagé par les équipes des candidats. Bastien Lachaud, l’un des responsables de la campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017, défendait lui aussi l’utilité des professions de foi dans l’hebdomadaire Marianne : « La fracture numérique existe encore en France. Envoyer des professions de foi au format papier, c’est le moyen de toucher des personnes exclues de la campagne sur Internet ou à la télévision »
Des règles strictes fixées par la loiL’impression des prospectus des candidats, comme leurs affiches de campagnes, est payée par l’État. Ils sont donc soumis à une réglementation stricte, prévue par l’article R.29 du code électoral : « Chaque candidat ne peut faire envoyer aux électeurs, avant chaque tour de scrutin, qu’un texte de ses déclarations sur feuillet double, (…). Ce texte doit être uniforme pour l’ensemble du territoire de la République » et écrit en langue française. Même le grammage du papier et son format sont fixés par la loi : « 70 grammes au mètre carré et un format de 210 mm x 297 mm ». Et doivent y figurer Plusieurs inscriptions obligatoires, comme les nom et adresse de l’imprimeur, ou la mention « ne pas jeter sur la voie publique ». En cas d’utilisation d’un papier « non écologique », l’État ne rembourse pas les factures. |