Muriel Caniez est Directrice du bureau de vente France et Bénélux de Norske Skog (à la norvégienne, prononcez « Norskeu Schkoug »), producteur de papier de Journal et Magazine leader en Europe de l’Ouest. Pour la Revue du Prospectus, elle a accepté de nous parler de son métier qu’elle vit avec passion !
La Revue du Prospectus (LRDP) – Comment êtes-vous entrée dans l’univers du papier ?
Muriel Caniez (MC) – Le monde du papier n’est pas connu du grand public, je suis tombée dedans un peu par hasard… il y a 23 ans ! C’est un univers en constante mutation dont l’essence même est l’éco-circularité. C’est un secteur véritablement passionnant et une fois qu’on y est entré, on ne peut s’y ennuyer tant les défis sont permanents !
LRDP – Qu’est-ce qui vous anime particulièrement dans ce secteur ?
MC – L’approche d’écologie industrielle et territoriale de notre filière et de Norske Skog en particulier est vraiment motivante : ce sont des décennies de recherche et développement et d’amélioration continue pour réduire l’impact du papier sur l’environnement et sur les ressources. L’éco-responsabilité est dans l’ADN de Norske Skog : nous sommes à la fois producteurs de papier mais aussi producteurs d’énergie, de chimie verte, de produits issus de fibre de bois … sans oublier contributeurs de la vitalité des territoires sur lesquels nous sommes présents !
LRDP – Quels sont les grands axes d’éco-circularité sur lesquels vous travaillez ?
MC – Golbey, dans les Vosges, dernière usine française de production de papier journal, a toujours eu une longueur d’avance sur ces sujets ! Nous y lançons en ce moment même la construction d’une seconde ligne de méthanisation dans le cadre de notre diversification vers le packaging, ainsi que le chantier d’une nouvelle chaudière biomasse (qui fonctionnera à base de bois recyclé) conjointement avec d’autres partenaires. Mais en réalité, la production de biogaz et l’utilisation de la cogénération couplée à une nouvelle turbine à vapeur, afin d’alimenter notre production de papier en énergie renouvelable, n’est pas nouvelle. Elle prend une plus grande ampleur aujourd’hui dans une logique d’écologie industrielle. Elle rend le site de Golbey plus autonome dans sa production d’énergie renouvelable et permet de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, ce qui est aujourd’hui un facteur de pérennisation de l’activité et donc de l’emploi.
Côté ressources, nous recyclons environ 60% des revues, journaux et magazines collectés en France. Après la conversion vers le packaging, c’est plus d’un million de tonnes de papiers et cartons qui se verront offrir une seconde vie sur notre site de Golbey. Par ailleurs, nous veillons à prélever le moins d’eau possible et à la restituer à son milieu sans résidu. Des investissements sont en cours afin par exemple d’augmenter le recyclage de l’eau en interne.
Quant au transport de nos matières premières comme le bois, dans nos usines en Norvège, plus aucun transport ne se fait par camion ! Tout est acheminé par train. À Golbey, c’est également le cas pour le transport vers l’Italie ou l’Allemagne. Notre projet RSE de Golbey est de maintenir autour de 30% le transport à impact réduit (train, plate-forme multimodale).
LRDP – Pensez-vous que l’approche d’éco-circularité du secteur industriel papetier est aujourd’hui bien connue ?
MC – Hélas non ! Je pense que je n’aurai pas assez d’une vie professionnelle pour lutter contre les idées reçues sur le papier ! Mais qu’on ne s’y trompe pas, je suis une femme de mon temps : la complémentarité papier et digital est une évidence et doit exister. Pour autant, il est essentiel de faire encore et toujours de la pédagogie sur le papier mais aussi de continuer à rétablir les contre-vérités et de lutter contre un certain angélisme
LRDP – Quelles sont selon-vous les 3 grandes idées reçues contre lesquelles il faut encore lutter à propos du papier ?
MC – La première, c’est que le papier détruirait des forêts ! C’est faux ! Les forêts européennes sont en croissance. Et pour qu’elle soit en croissance et capte du carbone, une forêt doit être entretenue. Les coupes d’entretien de la forêt en d’autres termes les sous-produits ou « déchets », si je devais vulgariser, alimentent la filière papier en fibres vierges qui sont indispensables à la production de papier.
La seconde idée reçue, c’est que l’on pourrait faire du papier uniquement à base de papier recyclé. C’est faux ! On peut recycler le papier 5 à 7 fois – et nous le faisons – mais il faut régulièrement réinjecter de la fibre vierge.
Enfin, l’idée qui est peut-être la plus difficile à combattre est celle, plus insidieuse, qui consiste à dire que pour moins impacter l’environnement, il vaudrait mieux avoir recours au digital qu’au papier. Le digital est partout, il est très utile, mais le papier est aussi moins intrusif et son usage est complémentaire. Le papier est le support le plus démocratique de l’accès à l’information. C’est aussi vrai pour les journaux que pour l’imprimé publicitaire, qui en est le pendant commercial : il permet l’accès aux meilleures offres, ce qui est une façon essentielle de participer à la défense du pouvoir d’achat de tous les consommateurs, y compris ceux qui sont à l’écart du numérique.
LRDP – Pensez-vous qu’il y ait des usages pour le papier et d’autres pour le digital ?
MC – Non, je ne pense pas qu’il y ait des usages cloisonnés. Dans chacun de nos usages, de papier ou de digital, nous devons raisonner globalement. « Le juge de paix », c’est l’analyse complète du cycle de vie, réalisée par des tiers de confiance.