Cette semaine s’est tenue la 12ème édition de PRODURABLE, le plus grand évènement dédié au Développement Durable et à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en France. Une fois encore, intervenants et conférences s’y sont succédés pour échanger sur les insights des citoyens et consommateurs. Parmi eux, celui de mieux s’informer sur les produits qu’ils achètent. Un vrai défi pour les marques.
Alexandre Mars l’affirme « nous tous, nous avons la capacité d’influer positivement ». L’entrepreneur et philanthrope engagé en est convaincu, le consommateur change, il prend son pouvoir d’agir à travers les achats et mets en accord ses achats avec ses valeurs.
Chiffre clé
9 Français sur 10 demandent plus une plus grande transparence sur les produits achetés1
Qui dit transparence, dit meilleur accès l’information. Or, jusqu’à peu, « chacun avait envie de mieux consommer, pour soi, pour la planète, mais c’était très complexe » rappelle Stéphane Gigandet, fondateur de l’association Open Food Facts.
Yuka, ScanUp ou Open Food Facts. Intégrées au parcours d’achat de milliers de Français en magasin grâce à leurs smartphones, ces applications révolutionnent les modes de consommation. A l’instar des notes sur les appareils ménagers, ces applis constituent de véritables facilitateurs pour se repérer sur la composition des produits.
Des additifs aux calories en passant par les protéines, tout y passe. En quelques secondes, ces applications « fournissent des informations claires, simples, lisibles et faciles à comprendre » considère Laurent La Rocca, CEO de The Treep.
Cela est d’autant plus vrai qu’elles ne s’arrêtent plus au seul décryptage. Désormais, les « applications pour mieux choisir » permettent des comparaisons et suggèrent d’autres articles du magasin aux clients.
Bientôt, elles s’intéresseront aussi à l’environnement. Selon Stéphane Gigandet, Open Food Facts travaille actuellement avec l’ADEME afin d’afficher l’empreinte carbone des produits pour donner une nouvelle dimension à la plateforme.
Des applications gadgets ? Pas vraiment, à en croire l’évolution des chariots de courses des Français. La place toujours plus importante des produits bio, issus du commerce équitable ou locaux traduit bel et bien une volonté de mieux consommer.
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75% des Français sont prêts à payer plus cher pour des produits de qualité, sans antibiotique ou sans OGM2
Les Français ne se contentent pas de scanner les aliments pour connaître leur composition. Ils achètent désormais en conséquence. L’essor du marché bio en est la parfaite illustration. Comme le note Gilles Billon de Bureau Veritas, « 9 Français sur 10 sont des consommateurs de produits bio ». Si les fruits et légumes, les produits laitiers et les œufs occupent les trois premières places du podium des aliments bio les plus consommés, d’autres rayons n’ont pas dit leur dernier mot. La vente de vins biologiques a par exemple fortement progressé ces deux dernières années, comme le démontre le dernier Baromètre de l’Agence Bio.
Plus encore, les Français deviennent des consom’acteurs et ne se limitent plus aux seuls produits bio. Sous l’impulsion des locavores « a émergé une équivalence magique entre local et meilleure qualité, meilleur pour la santé, plus écologique et moins cher » considère Valérie Planchez, vice-présidente d’Havas Paris3. Ainsi, l’origine française constitue un critère d’achat pour 92% des Français et l’origine locale pour 89% d’entre eux4.
Et cette tendance ne devrait pas s’affaiblir. La génération Z (NDRL : les enfants nés à partir de 2000) est la plus attachée à la consommation responsable selon Gilles Billon, qui précise d’ailleurs que « cette consommation ne rime pas qu’avec santé et environnement, mais aussi avec éthique et social ». Cette génération, plus sensible au développement durable est particulièrement exigeante et demandera toujours plus de transparence et d’engagement de la part des marques. Ultra-connectés, les « Z » utiliseront les applications comme BuyOrNot pour agir collectivement, alors même que la consommation était jusque-là réputée comme un acte individuel.
Avec leurs communautés, Kwalito, BuyOrNot ou Open Food Facts auraient de quoi faire trembler les marques alimentaires. Et pourtant. Ces applications constituent une opportunité pour elles de repenser leurs modèles, de la fabrication à la communication en passant par la distribution.
Chiffre clé
L’application Yuka compte 8,5 millions d’utilisateurs. Chaque jour, 2 millions de produits sont scannés, soit l’équivalent de 45 scans par seconde5
« Une entreprise est en société, elle n’est pas que dans un système économique et financier » estime Hélène Valade, Directrice RSE de Suez. Les entreprises doivent plus que jamais échanger avec leurs parties prenantes pour proposer des produits profitables à tous, dans le respect des équilibres économiques, sociaux et environnementaux.
La marque « C’est qui le patron » lancée en 2016 en est un exemple. Avec son lait, son beurre ou ses pâtes, elle offre une plus juste rémunération aux producteurs et répond aux attentes de nombreux Français : il s’agit du plus gros succès pour une nouvelle marque depuis 30 ans ! Si bien que l’exemple de « C’est qui le patron va arriver dans tous les secteurs, dans toutes les industries, et le consommateur se tournera vers ces marques » affirme Alexandre Mars.
Avec ces nouveaux entrants, les marques traditionnelles sont face à un défi : se réinventer. A cet égard, Sandrine Raffin, PDG de Link Up Conseil explique que « d’une obligation, la RSE est devenue une stratégie indispensable pour rassurer des consommateurs inquiets ». En intégrant la responsabilité sociétale dans leurs produits, elles peuvent miser sur une grande diversité d’appellations, de signes de qualité ou labels pour répondre aux aspirations des consommateurs. Mais pas seulement. Comme l’a justement rappelé Sylvie Boris, Directrice RSE et Communication Corporation de BEL, parce que chaque portion de produit engage les marques, celles-ci doivent aller plus loin.
En s’appuyant sur applications, elles peuvent changer les recettes de leurs produits. Thierry Cotillard, Président d’Intermarché expliquait d’ailleurs il y a peu : « nous avons une pression de dingue. Je pense que c’est comme cela dans toutes les enseignes de distribution : on passe tous les produits au Yuka pour voir comment on est noté et on établit des cahiers des charges tout de suite dans la foulée pour changer ce qui peut être un peu mal noté »6. Grâce aux systèmes de vote présents dans certaines applis comme ScanUp, les marques peuvent également saisir les besoins des consommateurs sur leurs futures créations. D’après Stéphane Gigandet, de plus en plus d’industriels jouent ainsi le jeu de la transparence. Cela leur donne l’occasion d’améliorer les qualités nutritionnelles des produits ou encore de faire progresser le nutri-score de C à B, de B à A.
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Avec le développement des applications pour mieux consommer, le rapport à l’alimentation a changé. Les consommateurs, dont les attentes évoluent, sont désormais en capacité d’influencer les marques au quotidien. A elles de se métamorphoser et, plus encore, de le faire savoir. Les multiples solutions de communication qui s’offrent à elles, qu’elles soient on ou off line leur permettent de partager leurs engagements. Une chose est sûre, RSE, transparence et information devront avoir une place primordiale dans leurs campagnes si elles veulent faire la différence !