Alors que la société est toujours plus connectée, le papier se réinvente pour profiter des atouts du numérique. Nouveaux formats d’échantillons, catalogues en réalité augmentée, courriers connectés… Ces supports sont-ils vraiment efficaces ? Leurs messages ont-ils le même effet sur leurs lecteurs que ceux diffusés par voie numérique ? En parallèle, la dématérialisation, elle, soulève de multiples enjeux. Parmi eux, l’impact des communications à destination des consommateurs. Décryptage.
« Dé-penser la dématérialisation, pour repenser la communication » : c’est l’objectif d’une étude du cabinet Eranos, explique Simone Sampieri, directrice marketing de La Poste, à l’occasion d’une conférence, le 16 avril 2019.
D’après Anthony Mahé, sociologue et directeur de la connaissance au sein du cabinet Eranos, la dématérialisation n’existe pas.
« L’esprit humain fonctionne en mode binaire et par structure d’opposition. C’est-à-dire qu’il définit un élément par rapport à un autre. Ainsi pour comprendre le numérique, nous l’avons opposé à la matière physique. L’opposition du commerce physique au commerce électronique en est un exemple tout comme l’opposition des communications print aux communications digitales. »
Selon le sociologue, il n’y a pas de virtuel sans matériel, pas d’internet sans ordinateur, pas de réseaux sociaux sans smartphone. Prenons l’exemple d’un message reçu via un imprimé publicitaire et sur un smartphone : dans les deux cas, il y a une relation à des objets palpables. Si les sensations qu’ils procurent sont différentes, il y a bien matérialité.
Concrètement, Anthony Mahé affirme que ce qui importe réellement, ce ne sont pas les médiums mais bien les effets perçus dans le contexte de réception d’un message. Il en conclut que le papier et le numérique sont complémentaires même si leurs effets sont différents car ils permettent de pallier la diversité des situations dans lesquelles se situent les lecteurs.
Autre fait, depuis l’arrivée d’Internet et la révolution numérique, la question de la dématérialisation des supports n’a jamais été autant d’actualité. Au cœur de la transformation digitale des entreprises, elle est l’objet d’importantes controverses et d’idées préconçues.
A l’heure où de multiples entreprises s’engagent dans le numérique, de plus en plus d’acteurs du web, à l’instar des e-commerçants font le choix du physique. D’autres misent sur l’alliance entre le physique et le digital – le phygital – pour unifier le parcours client.
Synchronisation, gestuelle, reliance, préciosité… Le comportement de l’individu diffère selon le support de communication qu’il reçoit. A l’aide de différents cadres d’expérience, le Cabinet Eranos a identifié une liste de 13 effets de communication produits lorsqu’un message est transmis. Ces derniers s’avèrent particulièrement instructifs pour les annonceurs et les aident à piloter leurs stratégies de communication.
Aller chercher son courrier, le ramener chez soi et l’ouvrir. Voilà des gestes effectués chaque jour par des millions de Français. Derrière ces gestes qui soulignent l’attachement et l’attention réelle au courrier se cache un effet : celui de la ritualisation, défini par une série d’actions inscrite dans la routine et les habitudes.
Autre effet présenté par le Cabinet Eranos, celui de la considération. Le courrier adressé en est un bon exemple. Le destinataire, directement mentionné sur le courrier perçoit l’effort de personnalisation de la marque. Nul ne doute qu’il appréciera l’attention qui lui est portée et qu’il se sentira estimé, dès l’ouverture de sa boîte aux lettres.
Parmi les 13 effets peuvent également être cités :
– L’effet haptique qui fait appel au sens du toucher. Avec un échantillon en papiers velours et crépon, une enseigne de décoration d’intérieur marquera l’esprit de ses prospects.
– L’effet de remémoration, qui mobilise la mémoire et l’intime du lecteur en lui rappelant des souvenirs. Par exemple, une marque automobile qui utilisera les dates d’anniversaires d’achats de véhicules comme prétexte à des courriers adressés trouvera un fort écho chez ses clients.
– L’effet d’immersion, qui permet de plonger le récepteur dans un univers différent du sien, en vivant une autre expérience. En scannant un catalogue en réalité augmentée, il pourra par exemple être plongé dans la serre d’une jardinerie avec ses espèces tropicales.
En pratique, ces effets ne sont pas exclusifs bien au contraire. A l’image de la remémoration et de l’immersion, ils peuvent être complémentaires. Ce constat est aussi valable pour les supports digitaux. C’est le cas sur les réseaux sociaux.
Instagram propose à ses utilisateurs d’être transportés dans un rôle différent du quotidien (effet d’enromancement) et notifiés pour partager une ancienne publication qui fera resurgir des émotions (effet de remémoration). D’où l’intérêt de miser sur le papier et le numérique pour maximiser le potentiel de ses effets sur le consommateur.
Retrouvez la liste des 13 effets détaillés et regroupés en 3 grandes familles dans l’étude complète, publiée dans l’ouvrage “La dématérialisation n’a pas eu lieu : Enquête sur un mythe du numérique”.
Vous l’aurez compris, derrière la dématérialisation se cache une autre question, celle de l’effets des médiums. Or, nous l’avons vu, tous les médiums n’ont pas le même impact.
L’enjeu est donc de s’interroger sur l’effet recherché. C’est bel et bien l’expérience que l’on veut faire vivre au destinataire du message qui doit déterminer le choix du canal.
Dans cette perspective, combiner les médiums avec des stratégies de communication à 360°, c’est multiplier les effets et maximiser vos chances de toucher les consommateurs. Car, s’il faut encore le rappeler, le papier et le numérique sont complémentaires et le futur réside dans leur hybridation.
Il ne reste plus qu’à en faire bon usage !